De Massiac à Molompize
La ville de Massiac a beau être entourée de montagnes, elle se situe tout de même, à vol d’oiseau, à plus de cinquante kilomètres du puy Mary. L’influence des monts du Cantal s’estompe, et quelque chose du sud, du midi, flotte ici dans l’air. La commune elle-même se qualifie de « porte fleurie du Cantal », et nous marchons sur des sentiers de cailloux blancs, parmi les chênes pubescents et les arômes des plantes chauffées par le soleil. Arrivant à Molompize, nous trouvons même la vigne, cultivée en terrasses appelées palhàs.

Itinéraire
Près d’une passerelle qui enjambe l’Alagnon, se trouve un panneau d’information intitulé « L’Alagnon, l’ADN de Massiac », et qui commence par cette phrase : « L’Alagnon tient une place centrale dans l’histoire ancienne et actuelle de Massiac ». Le collège de Massiac peut même s’enorgueillir d’être le seul en France à disposer d’une section « Pêche et étude des milieux aquatiques » ! En réalité, la ville se trouve à la convergence de trois rivières : l’Alagnon bien sûr, mais aussi l’Alagonnette et l’Arcueil.




Autre fierté massiacoise : le saumon de Loire-Allier remonte l’Alagnon jusqu’ici, même si sa présence se fait hélas de plus en plus rare. Les obstacles rencontrés par le poisson tout au long de la Loire puis de l’Allier, la température croissante des eaux et les étiages de plus en plus critiques compliquent drastiquement la migration.
Très récemment, une nouvelle espèce de poisson a même été identifiée dans quelques cours d’eau du bassin versant Loire-Allier, dont l’Alagnon. L’ombre d’Auvergne, ou Thymallus Ligericus, a rejoint officiellement l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) en 2019, sur la base des travaux scientifiques d’Henri Persat. Ce dernier souligne que les barrages hydroélectriques ont largement détruit l’habitat de cette espèce, mais que l’Alagnon en a été épargné par l’impossibilité de noyer la ligne de chemin de fer !


De nombreuses ressources passionnantes se trouvent sur le site de l’association massiacoise Vive l’Alagnon, comme par exemple, une étude sur les caractères endémiques des truites sauvages dans les différentes rivières locales, où l’on apprend qu’entre Alagnon et Santoire, les truites n’ont pas évolué à l’identique, portant sur la peau des points de couleurs différents !




Quant à notre itinéraire, partant de la gare de Massiac, il se faufile dans les rues, passe devant la charmante librairie-presse-café de la gare, enjambe l’Alagonnette , et traverse « à l’ancienne » la voie de chemin de fer (c’est-à-dire à vue). Il suffit, pour s’orienter, de suivre les coquilles bleu et or de la Via Arverna. Après avoir dépassé une petite aire de pique-nique, nous traversons la RN, puis tournons à droite sur la route de Bonnac. Durant 500 mètres, nous longeons les rails sur une route sans accotements, ce qui n’a rien de plaisant.




Un béal passe sous la route, puis à notre droite, un canal de dérivation se dirige vers la microcentrale de Moulin Grand. En dévalant des montagnes, les eaux vives de l’Alagnon ont acquis une force qui est ici exploitée par l’homme, jadis pour alimenter les moulins, aujourd’hui pour produire de l’électricité. L’impact négatif de ces installations sur la continuité écologique de la rivière est désormais pris en compte, avec l’aménagement de passes à poisson, ou la destruction de certains seuils comme au moulin de Stalapos à Murat par exemple.

Parfois, néanmoins, la fougue de la rivière déborde jusqu’à submerger les rues environnantes, dont cette impasse de l’Alagnon que nous empruntons. En cette belle journée de printemps, les berges sont tout à fait paisibles, et le chemin s’avère des plus agréables. Par un virage à 90°, nous quittons soudain l’Alagnon pour les rives ombragées de l’Arcueil, dans un cadre tout aussi enchanteur. Le sentier rejoint temporairement la route pour traverser le village de Bousselorgues et ses belles maisons.




Après avoir franchi le pont de la RD 244 sur l’Arcueil, nous retrouvons un sentier qui grimpe sous les chênes jusqu’au hameau d’Auliadet. Autour de nous s’étendent des champs cultivés, parmi les derniers que nous rencontrerons sur notre itinéraire, bientôt remplacés par les prairies d’élevage. Pour l’heure, tandis que nous prenons doucement de la hauteur, des vues magnifiques se dégagent sur ces paysages qui s’étalent en ondulant jusqu’aux reliefs couverts de forêt.


Après un bref retour sur l’asphalte de la RD 244, l’itinéraire bifurque à droite sur une piste, où les coquilles Saint-Jacques continuent de nous guider. Quelques derniers coups d’oeil en direction de la Haute-Loire s’imposent : la piste, maintenant goudronnée, s’enfonce soudain dans la vallée, et les monts du Cantal seront désormais notre seul horizon. Mais où descend donc cette « côte pelée » (c’est son nom), étroite impasse parfaitement entretenue ? Elle nous mène jusqu’au lieu-dit d’Auzit, où Chloé Chassang Itier vinifie son Chlo d’Auzit, issu des fameuses palhàs (voir plus bas sur cette page). Des visites guidées sont même programmées durant les vacances de printemps et d’été !




À Auzit, nous passons sous la voie de chemin de fer, et les flots sonores de l’Alagnon nous accueillent à nouveau. 200 mètres plus loin, c’est une large passerelle qui nous dépose sur l’autre rive, où nous foulons l’aire de la Roche, sympathique halte nature offerte aux usagers de la RN 122. La route nationale, justement, nous allons la traverser en direction du village de La Roche, situé en face de nous. Balisages de la Via Arverna et du PR « Château d’Aurouze » ponctuent la petite route de La Roche à Aurouze, d’autant plus tranquille qu’une barrière la coupe en deux, empêchant les voitures d’emprunter notre itinéraire.




Le cœur du hameau d’Aurouze bat au rythme de l’horticulture : 4000m² de serres, 3 hectares de culture en plein champ, et ce sont 300000 plants vendus chaque année ! Aux beaux jours, en particulier le dimanche, les voitures envahissent littéralement le village. Entre deux serres, on trouve aussi un four à pain, un pressoir à vin, une placette originale aménagée autour de sa fontaine, etc. Enfin, en levant les yeux vers l’ouest, c’est la silhouette du château d’Aurouze qui se découpe dans le ciel.




L’étroit sentier qui mène au château s’avère franchement escarpé, et grimpe rudement, donc rapidement, jusqu’aux ruines. Si les premières mentions d’un castrum en ce lieu datent du XIe siècle, ce sont les restes de sa reconstruction au début du XIVe siècle que nous observons. Peu de temps après sa reconstruction, le château fut volé à ses nobles propriétaires par Aymerigot Marchès, bandit qui fit régner la terreur dans toute la contrée jusqu’à ce que Jean III d’Armagnac rachète finalement le bâtiment et les terres ! Brûlé et pillé pendant la Révolution française, abandonné par ses propriétaires, le château n’a finalement rejoint qu’en 1972 l’inventaire des monuments historiques.


Un vague chemin nous fait contourner les restes du château par ses façades sud et ouest, pour retrouver soudain une large piste carrossable. Celle-ci propose rapidement une bifurcation : à droite, le PR Des pierres et des hommes, à gauche, une redescente vers la RN. Même si les deux itinéraires mènent à Molompize, nous choisissons le second, qui nous ramène dans la vallée, et jusqu’aux berges de l’Alagnon.
De fait, après quelques lacets, la piste nous dépose au bord de la route, que nous traversons, à vue bien sûr, pour rejoindre la piste cyclable. C’est tout droit, tout plat, tout en plein cagnard, tout parallèle à la RN, et d’une belle efficacité pour atteindre le lumineux et hospitalier camping de Molompize.




À partir du camping, un très beau sentier aménagé longe la rivière enfin retrouvée. Il faut y marcher le plus lentement possible, pour prendre le temps d’en profiter. D’un côté, l’Alagnon et ses eaux vives du printemps, de l’autre côté, les coteaux baignés de soleil, parcourus de terrasses plantées de vignes.
Un petit tour dans les palhàs

Par chance, un magnifique petit PR propose de faire le tour des palhàs, et cela vaut vraiment le coup ! En parcours la boucle du sentier des palhàs dans le sens « officiel », la montée se fait relativement en douceur, la redescente est raide. Mais en empruntant cette pente abrupte, l’on pense au travail de celles et ceux qui vendangèrent ici avant l’ère de la mécanisation.




L’on peut aussi remercier les propriétaires de ces terrasses viticoles, qui nous invitent à une promenade sur leurs terres, et accueillent les randonneurs au beau milieu de leur vignoble. Bien que le Cantal ne soit absolument pas un païs de coustoubis, nous sommes ici dans l’exception, et grâce à l’engagement admirable des vignerons locaux, le vin produit ici se révèle d’une qualité tout à fait étonnante.




Quant au sentier, tout à fait confortable entre ses deux murets de pierres sèches, il prend agréablement de la hauteur, généralement ombragé, et parfois dégagé pour admirer la vue. À son plus haut, il traverse longitudinalement les palhàs, en passant devant une belle cabane en pierre. Puis, l’heure de la redescente arrive. Le chemin dégringole sans concession sous les chênes blancs, jusqu’à rejoindre un terrasse, avec vue imprenable sur les vignes d’une part, sur la vallée d’autre part.




À partir de là, nous descendons d’une terrasse à l’autre en empruntant des escaliers aménagés dans les murs : escaliers rentrants, escaliers volants… Et l’on s’imagine, portant sur notre dos non un sac de randonnée, mais un panier de vendangeur débordant de grappes ! Finalement, les dernières pentes nous ramènent jusqu’aux berges de l’Alagnon.
Ici, près du pont qui traverse la rivière, à 50 mètres seulement de la pétaradante route nationale, l’ambiance est si douce ! Quand l’automobiliste ne constate que deux rangées de façades grises aux volets désespérément fermés, nous admirons les reflets du soleil dans les flots vifs, et les étendues forestières qui nous mèneront, bientôt, vers de mystérieuses contrées !