Philippe, fureteur des chemins
Philippe est à l’origine de la création de ce site. Il nous parle de « slow randonnée » et de « tourisme régénératif »…
D'où t'es venue l'idée de ce site ?
D’abord, il y a l’eau, c’est vraiment le point de départ, ou la source, pourrais-je dire.
Je suis né à Toulouse, et je garde un attachement très sentimental à la Garonne. Pour moi, elle incarne une figure maternelle, nourricière, et ce n’est pas un hasard si les Toulousains aiment à fraterniser sur ses berges. Le fleuve fait lien, et pas seulement en géographie. Plus tard, j’ai ressenti le besoin de parcourir sa vallée tout entière, depuis sa source dans les Pyrénées jusqu’à l’estuaire de la Gironde, afin d’éprouver, plus intimement encore, comment elle relie les pays qu’elle traverse, je dirais même, qu’elle fonde.
Finalement, je me suis aperçu que c’est un sentiment très commun chez celles et ceux qui ont grandi près d’une rivière. Cette culture partagée, qui se crée autour du cours d’eau, se renforce plus encore dans les vallées encaissées des montagnes. D’authentiques identités valléennes se créent, au fil de l’eau comme au fil des siècles, et c’est ce que j’ai voulu explorer, en traversant tous ces villages à pied.
"Eau, tu n'es pas nécessaire à la vie, tu es la vie", pourquoi cette citation sur le site ?
Ah, elle ne paye pas de mine, cette citation, mais je l’aime beaucoup ! Elle est tirée du passage, dans Terre des hommes, où Antoine de Saint-Exupéry raconte son calvaire après l’accident dans le Sahara en compagnie d’Henri Guillaumet. Oui, l’eau c’est la vie, et donc, l’eau est aussi précieuse que la vie. Or, on sait que les changements climatiques obèrent dangereusement cette ressource pourtant vitale. J’invite donc, en effet, le randonneur à s’émerveiller du miracle de cette eau qui prodigue la vie.
Accessoirement, le livre Terre des hommes fait aussi la part belle à Jean Mermoz, aviateur et ami de Saint-Exupéry, qui fut élève au lycée Émile-Duclaux et qui a donné son nom, bien sûr, à un autre lycée d’Aurillac.
Qu'appelles-tu "slow randonnée" ?
Il existe tout un mouvement slow, dont l’origine remonte au mouvement slow food en Italie, en résistance à la déferlante des fast-foods. Ce concept de slow se décline aujourd’hui dans de très nombreux domaines, toujours autour de l’idée que chi va piano, va sano. On pourrait dire que c’est l’art de prendre son temps élevé au rang de contre-culture !
La slow randonnée consiste donc à abolir la notion de performance (distance, dénivelé, altitude…) pour donner de la valeur à d’autres expériences, comme la connexion à soi, aux autres et à la nature. On dit parfois qu’il s’agit de rechercher la qualité plutôt que la quantité.
Selon moi, la randonnée devient slow quand on s’arrête pour admirer sans regarder sa montre, quand on remarque ce qu’il y a de beau dans le plus humble, quand on prend le temps de discuter avec un habitant plutôt que d’avancer à tout prix. Comme l’exprimait magnifiquement Robert Louis Stevenson dans cette célèbre citation, « l’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même ».
J’inclus aussi dans la slow randonnée la démarche du « tourisme régénératif », qui vise un bilan positif à l’issue de notre visite sur un territoire. Le tourisme régénératif préconise par exemple de voyager près de chez soi, de choisir les mobilités douces, de dormir chez l’habitant, de faire ses courses chez le producteur, et, plus globalement, de laisser les lieux visités en meilleur état qu’on les a trouvés.
Pourquoi des randonnées de 50 km ?
Les distances dépendent de la longueur de la rivière. L’Alagnon s’étend sur 90 km, la Cère sur 120 km, mais l’absence de chemins pédestres obligera peut-être à écourter l’itinéraire.
À chacun d’adapter les étapes selon ses propres contraintes. Sur le site, les itinéraires sont découpés en plusieurs tronçons arbitraires, uniquement pour des raisons techniques, afin d’éviter que les pages web soient trop longues. Je ne présume aucunement des distances parcourues chaque jour. C’est aussi un appel à vivre cette expérience ancestrale qu’est la marche itinérante.
Il me tient particulièrement à cœur de guider le visiteur à travers les villages des basses vallées. Ce sont des lieux que j’affectionne beaucoup, mais que les randonneurs ont tendance à négliger, car moins spectaculaires. La portion du chemin de Compostelle que j’ai parcourue l’été dernier a été un révélateur. Sauf en quelques endroits, le GR 65 n’a rien de spectaculaire, mais les pèlerins viennent chercher autre chose dans ces modestes paysages : une quête plus intérieure, le sentiment d’une fraternité pèlerine, etc.
N'est-ce pas un peu idéaliste, tout ça ?
Peut-être, peut-être pas… Je ne veux convaincre personne, ce site propose des informations, libre à chacun d’en disposer à sa guise. À titre personnel, tout cela fait profondément sens, et, qui sait, peut-être que d’autres y trouveront également du sens. Je partage donc le fruit de mes pérégrinations, sait-on jamais ?
Je suis heureux également de rendre hommage à ce territoire cantalien que j’ai choisi d’habiter depuis 2017. J’ai la conviction qu’il y a ici des ressources extraordinaires pour inventer les modes de vie de demain, plus connectés à la nature, plus respectueux de l’environnement. Je propose que le Cantal devienne le laboratoire des nouvelles modernités !
Le blog de Philippe
En avril 2024, Philippe vient de commencer un blog personnel. N’hésitez pas à y jeter un oeil !