Pierre Moussarie

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Poète né le 21 juin 1910 à Aurillac, mort le 9 février 1978 à Aurillac. Il fut maire de Saint-Simon, dont une rue porte son nom désormais.
Plus d’informations sur sa page Wikipedia.

Poèmes extraits Chemin vicinal, suivi de Campagne, suivi de Poèmes inédits ou retrouvés (réédités par les éd. Plein Chant, 1997)

Autre soir

à Lucienne

C’est à l’heure tendre et suspecte
où l’on joue à colin-maillard
qu’il faut monter sur la montagne.
La caille blottit sa chanson
aux cicatrices des sillons,
le rebouteux cherche des simples,
la ratepenade s’ébroue
et tourne autour des cris d’enfants
qui s’ébattent à la fontaine.
Les crapauds flasques se promènent
attirés par les vers luisants.
Qu’il est doux d’avoir de la peine
quand tout vous est compatissant !
Comme on bénit les en allées,
adieu l’amour, tant pis l’espoir !
Rien n’est doux comme une vallée
où nul train ne passe le soir…

Poème des pierres

Toutes, toutes, les voyageuses
et les sédentaires moussues,
rouillées par les mornes attentes,
polies par le courant des fleuves
ou brisées par les roues des chars,
vous vous êtes acheminées
dans la tribulation des siècles
pour tenir avec moi, ce soir,
un long colloque de silence.

Depuis que la main pathétique
vous a laissées tomber au puits de l’avenir,
le labeur lent des éléments
patiemment vous a détruites
dix fois peut-être, mais en vain.

Par les bouches tumultueuses des volcans
ou le jeu sûr des sédiments,
vous fûtes toujours recréées,
pierres, indestructibles pierres,
aussi durables que le monde.

Toutes, usées et mutilées,
plus neuves à chaque malheur,
toutes je vous reconnais :
pierres à feu des bivouacs morts
ou des luttes originelles,
pierres lisses comme des pommes,
pierres rudes comme des cœurs.

Schistes, granits, silex, basaltes,
venus à moi du fond des temps,
du fond des mers, du haut des Alpes,
pierres transmises, d’âge en âge,
avec l’or des beaux héritages,
pierres jeunes comme une aurore,
pierres vieilles comme le vent,
pierre patientes et sagesn
vous aussi, vous aussi, les pierres,
retournez au limon, à la pure poussière,
pour renaître éternellement !

Automobile

Après cette étoile qui hésita si longtemps
au bord du ciel,
ce furent, dans les genévriers,
les propositions tremblantes de la rosée
et la houppette irrévérencieuse d’un lièvre.

Blanche et noire, la vache de puzzle

brouta la prairie peinte en vert

et l’âne au trot mathématique

partit livrer le lait de l’aube.

Maintenant c’est toi qui m’accueilles,
toutes tes fenêtres ouvertes,
humble village au nom perdu,
petit village chatouillé
d’une médisante rivière.

L’hôtesse posera pour moi
un napperon blanc sur la table,
un joli fromage de chèvre
avec du lard et du pain bis.
Et je pourrai sourire au monde.

Pied de nez

Ma jeunesse, je m’en moque.
Ce fut une triste époque.

Et tout va de mieux en mieux,
Depuis que je deviens vieux.

Aucun désir ne m’incline
À conquérir ma voisine.

Je n’éprouve nul besoin
De jalouser mon voisin.

Encor ne suis-je point riche,
Si je ne vis pas en chiche.

Mon toit tient, mon pain est cuit,
Est-il plus rare déduit

Que de vivre chaste et livre
Entre sa pipe et ses livres ?

Poème extrait Pistes secrètes (éd. Mercure de France, 1955)

Chaque village a ses pistes secrètes
Qui vont aux nids, aux framboises, aux cèpes,
Qui vont à l’enfance des sources
Et, sous les feux glacés de la Grande Ourse,
A des châteaux hantés d’invulnérables ombres
Traînant leur vieil orgueil à des chaînes de fer.

Chaque village a ses pistes secrètes
Qui mènent aux combes perdues
Où sont conçus les bâtards reniés,
Qui vont aux étangs de légende
Où les poissons rassurent les noyés
D’une nageoire amicale et rêveuse.

Chaque village a ses pistes secrètes
Qui vont sur les pas du chevreuil,
Du sanglier, du renard, de la loutre.
Chaque village a ses pistes secrètes
Sinuant sans souci vers de menus bonheurs
Ou des crimes dont seul l’humus garde mémoire.

La bouteille à la mer
La bouteille à la mer, numéro 31, oct-nov 1933

De 1930 à 1953, Pierre Moussarie a publié dans la plupart des numéros de la revue de poésie La bouteille à la mer, soit plus de 150 poèmes au total. 

Textes reproduits avec l’aimable autorisation des ayants droit de Pierre Moussarie.

Pour marcher dans les pas de Pierre Moussarie