Camille Gandilhon Gens d’Armes

Mur Camille Gandilhon Gens d'Armes

Poète, chroniqueur et traducteur, né le 2 février 1871 à Murat, mort le 22 juillet 1948 à Bordeaux.

Il a passé son enfance à Lavigerie, où il est enterré. Plus d’informations sur sa page Wikipédia.

sonnets extraits des "Poèmes arvernes" (1927 et 1932)

La plainte du sapin

Sous le scintillement métallique des cieux

Coule la nuit d’été, laiteuse et nonchalante.

Effleurant la maison de son ombre dolente,

L’arbre rêve sur le hameau silencieux.

C’est un sapin large et puissant. Il est très vieux.

Ce fut la sentinelle à jamais vigilante

Qu’oublièrent les bois dans leur retraite lente

Vers l’asile toujours rétréci des hauts lieux.

Il souffre de l’exil et de la solitude.

Mais gardant, au soleil, sa hautaine attitude,

Il ne dit qu’aux oiseaux nocturnes ses secrets.

Dans l’ombre des rameaux courbés au poids de l’âge,

Comme gémit la mer au creux d’un coquillage,

Pleure la nostalgie obscure des forêts.

La Santoire

Vue du pont de Westminster

Surgie, au couchant roux, d’une montagne d’ombre,

Roulant ses flots et ses lueurs de cauchemar,

Entre ses quais poisseux chargés d’obscurs décombres,

La Tamise aux ponts lourds rampe sous le brouillard.

Des palais ruisselants d’une humidité sombre,

Un chaos gris, du fer, des mâts, de longs hangars…

On dirait dans la brume une flotte qui sombre.

Un ciel fuligineux strié d’éclairs blafards.

Au loin s’écrase et fuit la ville gigantesque,

De cendre et d’eau noyée… Ô géhenne dantesque ! 

Azur, azur ! Clarté des pays fabuleux !

Ferme les yeux, banni que cet enfer étonne

Là-bas, entre les monts drapés d’or par l’automne,

La Santoire au soleil ondule, ruban bleu…

La colère du Volcan

Flamme et ténèbre, issant des fonds océaniques,

Le Volcan dont la cendre a formé le Cantal,

À décocher des blocs de soufre et de métal

Aux astres, s’épuisait en efforts titaniques.

Le troupeau sidéral, indocile aux paniques,

Le narguait des hauteurs de l’infini natal.

Or, un soir, les méfaits d’un ouragan brutal

Décuplèrent l’élan des forces volcaniques.

Un vent sauvage, ayant soulevé jusqu’au ciel

L’eau de la mer, noya d’un flot torrentiel

Le Volcan furieux, pénétré jusqu’aux moelles ;

Et la foudre ébrécha son cratère béant.

Mais lui, tordant soudain sa gueule de géant,

Cracha la lune énorme en insulte aux étoiles.

La route

Comme une corde aux flancs d’un vaincu, cette route,

Asservissant le paysage profané,

S’imprime en les prés verts où je suis né,

Pour qui la trouve utile, elle est belle sans doute.

Je la hais. Oh ! sous la silencieuse voûte

Des grands arbres, le vieux chemin abandonné

Où si longtemps ceux de ma race ont cheminé,

Comme il était plus sûr que toi, facile route.

Abrupt ou tortueux, pour mieux décourager

Le départ sans raison vers des ciels étrangers,

Il voulait nous garder. Et tu veux, route dure,

Implacablement droite et sans aspérités,

Nous précipiter tous au gouffre des cités…

Et le sang auvergnat fuit par cette blessure.

Au Cantal

Ancêtre fabuleux de monde occidental,

Volcan, premier surgi des gouffres atlantiques,

Ridé d’âpres torrents, noir de forêts antiques,

Ô notre père à nous, Auvergnats, ô Cantal,

Notre cœur est à toi, soit que l’hiver brutal

Cingle tes mornes flancs de neiges frénétiques,

Soit qu’au roc éternel de tes puys basaltiques

Déferle, à flots vermeils, l’océan végétal.

Jeunes, nous descendons vers les hasards des plaines,

Pour vaquer d’un cœur dur aux longs travaux humains.

Puis, quand nous sommes las d’errer par les chemins,

Heureux ou résignés, les mains vides ou pleines,

Vers toi nous revenons, terre où nous sommes nés,

Et tu reprends les os que tu nous a donnés.

Au Puy Mary

My heart’s in the Highlands, wherever I go.

Robert Burns

Chef de la Haute-Auvergne, ô svelte Puy Mary,

Debout au carrefour des profondes vallées,

Ô pâtre des forêts à tes pieds étalées,

Entends, du bord des mers, monter vers toi mon cri !

Enfant, j’ai reposé sur ton manteau fleuri ;

Je t’ai vu bleuissant par les nuits étoilées,

Pourpre sous le soleil, blanc sous les giboulées.

Du lait de tes troupeaux c’est toi qui m’as nourri.

Et maintenant, là-bas, tu veilles sur la tombe

Où m’attendent les miens. Aussi, quand le soir tombe,

Montagnard exilé par un destin brutal,

Je vois toujours, je vois, au fond de ma mémoire,

S’esquisser, comme un but d’espérance illusoire,

Ta forme harmonieuse à l’horizon natal.

Camille Gandilhon Gens d'Armes, Poèmes arvernes, Fresques et médaillons
Poèmes arvernes, fresques et médaillons, Aurillac, Éditions USHA, 1927
Camille Gandilhon Gens d'Armes, Poèmes arvernes, La légende des mots et des hommes
Poèmes arvernes, la légende des monts et des hommes, Aurillac, Éditions USHA, 1932

Pour marcher dans les pas de Camille Gandilhon Gens d'Armes