Né vers 1143 au Castelvielh à Vic-Sur-Cère, mort vers 1210 à Vinça (Pyrénées-Orientales), Pierre de Vic fut moine et troubadour.
Quelques uns de ses chants, pittoresques et savoureux, sont proposés ici dans leur traduction par Luc de Goustine (voir plus bas).
M'insupporte, j'ose le dire (extrait)
M’insupporte, j’ose le dire,
beau parleur rebelle à servir,
homme qui veut un autre occire,
et cheval qui à la main tire.
M’insupportent, que m’aide Dieu,
jeune homme arborant un écu
qui jamais de coup n’a reçu,
chapelaine et moine barbu
et louangeur à bec aigu.
M’insupporte dame envieuse
quand elle est pauvre et orgueilleuse,
et mari fou de son épouse,
fût-elle dame de Toulouse ;
et m’insupporte chevalier
loin de chez lui fanfaronnier
quand en son logis il ne fait
que piler le poivre en mortier
et rester au coin du foyer.
Et m’insupporte de vive manière
homme couard qui porte bannière,
et mauvais autour en rivière,
et maigre viande en cuisinière ;
et m’insupporte, par saint Martin,
trop d’eau dans pas assez de vin ;
et croiser boiteux le matin
m’insupporte, et aveugle aussi,
car je ne suis pas leur chemin.
M’insupporte abstinence qui dure,
et viande mal cuite et dure,
et prêtre qui ment et parjure,
et vieille pure qui perdure ;
et m’insupporte, par saint Delmas,
le salopard trop gracié,
et courir sur voie verglacée,
et m’enfuir à cheval armé
m’insupporte, et jurer aux dés.
Et m’insupporte, per via eterna,
manger froid quand on hiberne,
et coucher par nuit de galerne
quand me viennent odeurs de traverse ;
et m’insupporte et déplaît fort
que le rinceur du pot s’enquière ;
et m’insupporte époux cruel
quand je lui vois épouse altière
et qui ne donne ni ne promet.
Et m’insupporte, par saint Sauveur,
en bonne cour mauvais vielleur,
et pour peu de terre trop de frères,
et à bon jeu gain de misère ;
et m’insupportent, par saint Marceau,
deux peaux en un seul manteau,
et trop de maîtres en un château,
et riche homme sans délassements
et au tournoi flèche et carreau.
[…]
Fort me plaît distraction et gaieté
Fort me plaît distraction et gaieté
festins et cadeaux et prouesse
et dame noble et courtoise
à la répartie bien apprise ;
et me plaît du grand la franchise
et, contre son ennemi, la malveillance.
Et me plaît qui poli me sonne
et qui de bon gré me donne
et seigneur qui ne me sermonne.
Et me plaît qui me loue et défende
et dormir quand il vente et tonne
et gras saumon à l’heure de none.
Et me plaît bien, là-bas l’été
hanter fontaine ou ruisselet
quand prés sont verts et fleur renaît
et pioupioutent les oiselets
et mon amie vient en cachette
et d’un coup je lui fais sa fête.
Et me plaît bien qui m’accueille
et quand je ne trouve pas d’écueil,
me plaît la mie qui me console
d’un baiser et plus, si j’ose faire.
Et si mon ennemi perd la partie
me plaît plus que si je la gagne.
Et bien me plaisent compagnons
quand mes ennemis à l’environ
j’ose dire haut mon opinion
et eux l’écoutent assis en rond.
Pour en savoir plus sur Pierre de Vic
Luc de Goustine a consacré un ouvrage à Pierre de Vic, également surnommé « le moine de Montaudon ». Les chansons du troubadour sont publiées en version bilingue occitan-français, et accompagnées de notices situant chaque poème dans son contexte biographique, linguistique et historique. Parmi les morceaux de bravoure, une plaidoirie du moine, auprès de Dieu lui-même, pour défendre le maquillage des femmes !