Stéphanie et Marc, à l'auberge des Milans
Quand la passion de la montagne conduit une famille bretonne à s’installer dans le Cantal et à reprendre une auberge qui fut jadis une véritable institution dans la vallée… Pari audacieux, et non sans quelques péripéties, mais pari réussi ! Du restaurant au camping en passant par les sorties nature ou les activités artistiques, il se passe toujours quelque chose aux Milans.
Mais comment donc êtes-vous arrivés dans cette vallée ?
Depuis toujours, nous sommes deux amoureux de la montagne. Bien que la Bretagne soit un pays de pierres et de rochers, nous avions quand même besoin de nous évader souvent dans les Alpes, avec le projet de nous y installer. Mais, au hasard de vacances improvisées au dernier moment, nous nous sommes retrouvés un beau jour dans la vallée de la Santoire, et nous avons alors découvert qu’il y avait ici aussi des montagnes !
Durant ce séjour, nous avons poussé la porte de la librairie Aux belles pages, à Murat, et c’est là, parmi la clientèle qui discutait, qu’un homme nous a dit : « ici, c’est le Far West, tout est possible ! ». Peu après, nous avons eu connaissance d’un dispositif mis en place par le Département pour l’accueil des nouveaux arrivants. Dès lors, c’était décidé : le Cantal serait notre montagne.
Nous avons bénéficié d’un accompagnement efficace, avec trois séjours d’une semaine dans le Cantal, hébergement et frais de déplacement pris en charge, jalonnés de rendez-vous pour rencontrer les acteurs du territoire. Le plus difficile a été de trouver un logement en accord avec nos attentes, c’est-à-dire au plus proche de la montagne tout en restant pratique pour amener les enfants à l’école. Un matin, en passant par le col de Pertus, nous avons découvert la vallée de la Jordanne et la magie de ses paysages. Le col restant ouvert même l’hiver, l’endroit nous a semblé idéal, et nous avons finalement déménagé pour Saint-Cirgues-de-Jordanne.
Les élus locaux nous ont bien accueilli, d’autant mieux que nos enfants venaient grossir les effectifs de l’école. Nous sommes arrivés avec juste nos valises, nous avons loué un meublé, Marc a trouvé un emploi de formateur en cuisine, et le maire de Mandailles a aidé Stéphanie à installer son atelier de mosaïque. Bref, c’était génial, cette arrivée dans le Cantal !
Qu'est-ce qui vous a mené ensuite jusqu'à Puech Verny ?
Il y avait avant nous, à Puech Verny, une auberge emblématique de la vallée, tenue par Anna qui durant des décennies avait servi la truffade et le chou farci aux gens d’ici. Sa fille nous a proposé de reprendre le fonds de commerce, et nous avons sauté sur l’occasion, car nous rêvions de créer un lieu de restauration qui soit aussi dédié aux activités nature et aux pratiques culturelles.
La reprise n’a pas été simple car il a fallu rajeunir le lieu, faire beaucoup de travaux, reconstituer une clientèle… Dans la vallée, certains nous encouragent et nous soutiennent, d’autres nous observent. Mais notre énergie bretonne nous fait rebondir à chaque difficulté.
Et puis, la crise sanitaire arrive : confinement, interdiction d’ouverture au public… Nous avons l’idée de proposer des plats à emporter, sur la thématique des cuisines du monde : chaque samedi, un nouveau pays ! Cette fois, la solidarité des gens de la vallée se manifeste, il y a du monde qui vient chercher nos plats, et nous apprenons à mieux nous connaître. Marc vend aussi une fois par mois ses bons plats au marché de Velzic avec
le soutien de l’équipe dynamique de la commune. Malgré les difficultés financières et psychologiques de la période Covid, cet élan de soutien nous fait réellement chaud au coeur.
Aujourd’hui, on a fait le plus dur, l’auberge peut enfin fonctionner dans de bonnes conditions, avec une clientèle présente et fidèle. Et notre métier prend enfin tout son sens, dans le plaisir du partage, de l’échange et de la rencontre.
Marc, peux-tu nous parler de ta cuisine ?
Quand j’ai commencé ma carrière de cuisinier, j’ai voulu découvrir tout ce qui se faisait en restauration, de la pizzeria à la maison de retraite en passant par le palace 5 étoiles. Ce qui m’intéressait, c’était comment chacun trouve son équilibre en tant que cuisinier.
Cet équilibre, moi je l’ai trouvé ici, en proposant aux convives un menu unique, inspiré par les envies et les produits du jour. Il est nécessaire que les clients réservent, afin que je puisse leur offrir une cuisine locale des montagnes, vraiment authentique. Donc je prépare les plats en cuisine et passe au service en salle, car je tiens à cette transparence avec les personnes qui me font confiance pour bien manger. Je suis toujours partant pour donner mes recettes, d’ailleurs dès le printemps 2023 je proposerai des cours de cuisine !
Enfin, je développe le concept de cuisine d’altitude, en collaboration avec l’agence de voyages Esprit Trek. Le principe est le suivant : les gens sont en randonnée avec leur guide, le soir ils bivouaquent en montagne, moi je rejoins directement le lieu de bivouac avec mon âne Camel, et ensuite je cuisine au feu de bois pour tout le monde.
Et la mosaïque, Stéphanie ?
Ca fait vingt ans que je suis mosaïste, formée notamment par des maîtres mosaïstes italiens. Mon atelier en Bretagne fonctionnait très bien : restauration de mosaïques anciennes, commandes publiques, expositions, création de la biennale de mosaïque actuelle à Rennes, etc. Ce que j’aime dans ce métier, c’est le contact avec la pierre, et ce qu’elle révèle quand on la brise avec la marteline. Donc quand je me promène en montagne, je suis toujours attentive à ces matières minérales, mais pas seulement : j’aime aussi travailler avec les lichens, les mousses, les bourgeons…
En arrivant dans le Cantal, il a fallu repartir de zéro en ce qui concerne la clientèle. J’ai décidé de me recentrer sur la création artistique et sur la transmission, en lien avec mes activités animatrice montagne. En fait, la nature nourrit ma créativité, et me fournit également la matière de mes créations.
Venons en à la nature !
En effet, la montagne, c’est très important pour nous. Nous vivons au plus près de la nature, nous nous y ressourçons sans cesse, et nous nous engageons aussi pour elle à travers des associations comme la Ligue pour la Protection des Oiseaux, France Nature Environnement, ou encore Mountain Wilderness dont Stéphanie est la déléguée départementale du Cantal.
Nous avons tissé des liens privilégiés avec des producteurs locaux qui partagent nos valeurs. Il y a Cindy par exemple, qui élève des vaches de race ferrandaise sur le plateau du Jolan, au-dessus de la vallée de la Santoire, ou bien Jacques qui fait des fromages de chèvre à La Bastide du Fau en vallée d’Aspre. D’ailleurs, nous avons avec Jacques le projet de créer un chemin de randonnée entre chez lui et chez nous !
Côté balades, on adore explorer les vallées du volcan et toutes les montagnes du Cantal, monter sur les hauteurs, pour simplement contempler, prendre les jumelles et observer la faune sauvage. On affectionne plus particulièrement les lieux peu fréquentés : toute la forêt en-dessous des Élancèze, ou bien, plus loin, les crêtes entre le Roc d’Hozières et le Puy Chavaroche, au-dessus des vallées de l’Aspre et de la Bertrande.
Mais on aime bien, aussi, les classiques de la vallée : sources de la Jordanne, arbre de Quenouille, Puy Griou, gorges de la Jordanne… Stéphanie a suivi une formation pour l’accompagnement de randonnées pédestres avec la Fédération française du milieu montagnard, afin de proposer aux clients des circuits qui partent de l’auberge. Par exemple, l’un de ces circuits passera par Mazieux, pour faire connaître la savonnerie de Clio et Yohan.
Et le mot de la fin ?
Sur le plan touristique, on pense qu’une des clés de la réussite, c’est l’accueil chaleureux et bienveillant des visiteurs et le respect de nos valeurs profondes liées à la nature et la montagne.
Nous aimons beaucoup l’idée de créer un réseau « inter-vallées », de tisser des liens d’une vallée à l’autre, bref, de travailler ensemble avec tous les acteurs de la montagne. C’est ce que nous essayons de faire, à notre échelle, car c’est selon nous l’une des clés pour l’avenir : fédérer toutes les dynamiques qui animent les vallées du Puy Mary, et au-delà.