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De Condat à Ségur-les-Villas

Bienvenue dans le Nord Cantal ! C’est à Condat que la Santoire rejoint la Grande Rhue, et ce sera donc notre point de départ. Les monts du Cantal semblent bien loin, et d’ailleurs, à vol d’oiseau, le massif du Sancy est incontestablement plus proche. Nous marcherons d’un pays à l’autre, en suivant le lien naturel tracé par la rivière.
Carte de Condat à Ségur-les-Villas

Préambule

Cette étape prend des libertés avec la ligne éditoriale du site, en s’écartant de la rivière, sans toutefois perdre de vue la vallée.

Il n’existe tout simplement pas de chemin à proximité immédiate de la rivière, ce sont hélas les routes qui s’en approchent le plus. Nous n’éviterons d’ailleurs pas quelques courts tronçons des RD 16 (800 m) et RD 62 (150 m) sur le trajet du GR 4, ainsi que la peu fréquentée RD 36 (1500 m) à la sortie de Saint-Saturnin.

Plusieurs options ont été comparées sur place, et le tracé du GR 4 propose sans aucun doute la plus belle solution, avec son atmosphère de haut plateau et ses vues panoramiques sur les deux massifs.

Le « pont rouge » de Condat, avec son parking et son arrêt de bus, marque le départ de cette fabuleuse odyssée vers les sources de la Santoire. Et pour commencer, ce sont les berges de la Grande Rhue que nous suivons grâce à un petit sentier ombragé. Sur la rive d’en face se trouve le camping La Borie Basse, bien pratique en cas d’arrivée tardive à Condat. Bientôt, le joli plan d’eau des Védisses apparaît, et bien que nous ayons marché dix minutes à peine, invite déjà à une pause contemplative !

Après avoir traversé la passerelle, nous trouvons une petite route de terre qui longe la station d’épuration, pas forcément très bucolique, mais ô combien indispensable. Et de l’autre côté de la RD 678, c’est à la déchetterie du village que nous faisons notre première rencontre avec la Santoire ! On aurait préféré plus romantique, mais rien n’empêche d’emprunter un bout du « sentier de la Roche Pointue » pour accéder à de petites plages en bord de rivière et tremper les pieds dans l’eau fraîche.

Carte postale ancienne montrant la Roche Pointue (Archives départementales 15)
Carte postale ancienne montrant la Roche Pointue (Archives départementales 15)

La Roche Pointue est un dyke basaltique de 80 mètres de haut, au pied duquel coule la Santoire. Cette curiosité géologique est aujourd’hui difficile à apercevoir du fait de la densité végétale. Quant à notre itinéraire, il emprunte une partie du « parcours de santé » et grimpe dans la forêt, laissant les flots en contrebas. En quelques lacets, nous rejoignons le chemin des Pradoux, qui lui-même nous mène au GR 4. Le fameux balisage rouge et blanc ponctue la piste forestière jusqu’à la RD 16.

Contraste entre l'état de ruines et la reconstitution de l'abbaye !
Contraste entre l'état de ruines et la reconstitution de l'abbaye !

Un petit crochet s’impose au centre du hameau de Feniers, où se trouvent les ruines d’une ancienne abbaye cistercienne du XIIe siècle, nommée abbaye du Val-Honnête. Un panneau d’information nous indique que l’ordre cistercien fut rare en Auvergne, du fait de la concurrence de l’abbaye de La Chaise-Dieu. Après avoir connu un incendie, puis la Révolution française, puis encore des incendies, l’abbaye fut abandonnée et ses pierres réutilisées pour construire le village.

En redescendant de Feniers, suivre la route qui mène aux gorges de la Santoire jusqu’au pont des Moines, qu’il faut traverser en direction de la RD 62. Laisser le tout premier chemin forestier qui grimpe sur la droite, et tourner au second chemin, selon les indications du balisage. Fouler un sentier est un soulagement, après ce kilomètre de bitume sur une route encaissée, peu propice à la cohabitation entre piétons et voitures. En contrepartie, mieux vaut prendre son souffle, car une rude montée dans la forêt nous attend : on gagne 300 mètres d’altitude en 1500 mètres de distance, soit une côte moyenne de 20% !

Au bout de l’ascension, le sentier nous dépose sur une petite route goudronnée, où nous userons nos souliers jusqu’à Lugarde, trois kilomètres plus loin. Nous croiserons, tout au plus, un tracteur ou deux, sur cette bande d’asphalte du bout du monde, qui semble onduler d’un horizon à l’autre. Dans notre dos, le massif du Sancy, face à nous, les monts du Cantal. Il y a de quoi se sentir tout petit, au milieu de ces hautes plaines. Petite brise de montagne, bon cagnard d’altitude, et pratiquement pas d’ombre : attention aux coups de soleil !

Le viaduc de Lugarde, emprunté par le Gentiane Express, annonce l’entrée du village. Aux beaux jours, les Chemins de fer de Haute-Auvergne, association de bénévoles passionnés, opère en effet la liaison ferroviaire entre Lugarde et Riom-ès-Montagnes. D’intéressants forfaits train+vélo ou train+rando sont également proposés. Quant à la portion de la ligne entre Lugarde et Allanche, elle peut être parcourue en pédalant sur un vélorail du Cézallier (avec ou sans assistance électrique).

Gare de Lugarde-Marchastel sur une carte postale ancienne
Gare de Lugarde-Marchastel sur une carte postale ancienne

Le bourg mérite qu’on s’y attarde : il dispose même d’un gîte d’étape communal pour les randonneurs, en face du bar Chez Marie-Pierre, qui est la personne à contacter pour réserver (contact sur le site de la mairie de Lugarde). Visiter l’adorable église Saint-Martin, avec son porche sculpté de frises florales, et non loin, admirer l’imposante bâtisse munie d’un superbe toit de chaume. De-ci de-là, des panneaux informent le visiteur sur l’histoire et le patrimoine du village, ce qui est fort appréciable.

Genêts et rocailles, par Léon Boyer
Genêts et rocailles, Éd. des Cahiers du Centre, 1920
Léon Boyer, poète et soldat, mort à Verdun en 1916
Léon Boyer, poète et soldat, mort à Verdun en 1916

Lire un extrait

Sélection de poèmes extraits du recueil posthume intitulé Genêts et Rocailles, paru en 1920.

Non loin d’ici, dans le hameau de Falgère, naquit en 1883 le poète Léon Boyer, ami de Camille Gandilhon Gens d’Armes. Mort sur le front à Verdun en 1916, il est le seul Cantalien à figurer au Panthéon parmi les noms des écrivains morts pour la France (aux côtés de Louis Pergaud, Charles Péguy…).

Avant de quitter le village par le GR 4, se laisser tenter par le panonceau fléchant le Suc du Chien à 300 mètres seulement. Depuis ce belvédère, la vallée de la Santoire se révèle, parmi les paysages du Sancy, de l’Artense et du Limon. Les Gaulois avaient choisi ce promontoire pour célébrer le culte du dieu Lug, qui a donné son nom au village de Lugarde, mais aussi à la ville de Lyon (Lugdunum). Aujourd’hui, c’est une statue de la Vierge à l’enfant, Notre-Dame-des-Foyers, qui confère à ce lieu sa dimension spirituelle. Un banc, des tables de pique-nique ainsi qu’un espace plat et herbeux, propices au bivouac, sont autant d’arguments pour s’attarder…

Reprenons le GR, qui part plein sud et franchit la voie de chemin de fer par un pont de pierre. Qu’il est doux de sillonner cette terre agricole, fertile, intemporelle ! On se croirait dans l’illustration du mot « campagne », à la lettre « C » du livre d’images d’un petit citadin ! Le hameau de Regheat est atteint sans voir passer le temps et, d’un chemin agricole à l’autre, nous nous laissons glisser tranquillement en direction du prochain village. Les pancartes « déviation GR » sont probablement anciennes, car elles suivent parfaitement le tracé actuel du GR. 

Un kilomètre après Regheat, ne pas rater le discret chemin qui part en descendant sur la gauche (lors du repérage, des flèches peintes au sol en orange fluo marquaient la bifurcation). Ce petit sentier pastoral, humide et boueux par endroits, redescend dans la vallée pour nous conduire à Saint-Saturnin. Le bourg, quelque peu endormi, nous accueille sur la place de son église, face à laquelle un estaminet ouvre encore aux heures de l’apéro. Le Lemmet, vif torrent autour duquel les maisons se sont établies, dévale jusqu’au charmant moulin de la Santoire, avec son étang de pêche et son restaurant bien connu des locaux (et c’est bon signe !).

Nous sommes ici sur les terres de la romancière et nouvelliste Marie-Hélène Lafon, originaire de Saint-Saturnin. Les eaux de la Santoire irriguent toute son œuvre, récompensée notamment par le prix Goncourt de la nouvelle (2016) et par le prix Renaudot (2020).

Histoire du fils, prix Renaudot 2020
Histoire du fils, prix Renaudot 2020
Marie-Hélène Lafon - CC BY-SA Claude Truong-Ngoc
Marie-Hélène Lafon par Claude Truong-Ngoc (CC-BY-SA)

Lire un extrait

De l'abécédaire Album, le texte intitulé Rivières. Et du roman Les Derniers Indiens, un passage évoquant la Santoire.

Nous abandonnons ici le GR 4 pour viser le village de Ségur-les-Villas. La solution la plus agréable consiste à emprunter la RD 436, qui prend de la hauteur au sud de Saint-Saturnin et zigzague en rive gauche de la Santoire. Après 1,5 km sur la route, en partie ombragée, tourner à droite en direction du hameau de Nuix. Dépasser les quelques maisons, saluer au passage les sympathiques habitants, et poursuivre sur une piste agricole qui s’élève dans les bois. À l’évidence, ce chemin voit passer plus de tracteurs que de randonneurs ! Mais le marcheur y est bienvenu, afin de rejoindre le Frau de Vial en toute quiétude.

Après avoir traversé la RD 3 – avec prudence et sans lambiner – suivre la piste qui monte en quelques lacets vers le sentier de découverte du Frau de Vial. Cet espace de landes, de tourbières, d’estives et de forêts foisonne littéralement de vie et offre des panoramas à perte de vue sur le plateau du Limon. Cerf, chevreuil et renard ont traversé les chemins durant le repérage, et les sphaignes coloraient de rose ces paysages immémoriaux. Selon l’inspiration, plusieurs itinéraires peuvent s’improviser, sur des chemins parfois très discrets, dans cette nature intense et secrète, paradis perdu sauf pour les mouches !

Quel que soit le chemin que vous choisirez pour redescendre à Ségur-les-Villas, félicitations : vous êtes déjà à mi-parcours dans la vallée de la Santoire !

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Vallée de la Santoire