Annie, grand gîte de Liadouze
Du temps où les hivers duraient six ou huit mois, les rudes montagnards de la haute-vallée de la Jordanne ont bâti cet adorable village, dont les toits de lauze semblent abriter de jolies maisons de poupées grandeur nature ! Annie Salat, née à moins d’une lieue d’ici, officie dans la plus imposante de ces bâtisses, jadis une maison de maître devenue aujourd’hui le Grand gîte de Liadouze. Par chance, le jour de notre conversation, la mère d’Annie est présente également. Marinette Salat tint avec son mari, durant plus de soixante années, la boulangerie de Saint-Julien-de-Jordanne, alors la vallée, pour sûr qu’elle la connaît !
Peux-tu nous raconter ton histoire personnelle avec cette vallée ?
En 1935, mes grand-parents maternels ont quitté la vallée de la Cère pour acheter une ferme à Saint-Julien-de-Jordanne. Avec un troupeau de 25 vaches, ils pouvaient rémunérer la bonne, le vacher, le berger, le bouvier, l’ouvrier ! Tous les ans, à la date du 25 mars, avait lieu le traditionnel changement des employés : chacun pouvait choisir de quitter une ferme pour aller travailler dans une autre.
Un beau jour, leur fille Marinette, ma mère, a épousé Antonin Salat, mon père, qui était le boulanger du village. C’est donc ici que je suis née et que j’ai grandi. À mon tour j’ai eu deux fils, dont l’aîné a travaillé dans la boulangerie familiale jusqu’à obtenir en 2015 le titre de Meilleur Ouvrier de France. Olivier est aujourd’hui à la tête de plusieurs boulangeries à Paris sous l’enseigne qu’il a créée, Farine & O.
En 1972, mon père Antonin a publié en occitan un recueil d’anecdotes amusantes et véridiques sur la vallée de la Jordanne. Le livre, préfacé par Jean Fay, majoral du Félibrige, s’intitule Uno cestounado de causotos, qu’on pourrait traduire par « Un petit panier d’histoires ». Marinette ajoute :
« Ce livre est écrit dans le patois tel que l’écrivait Arsène Vermenouze, c’est-à-dire dans la langue comme on la parlait. Antonin était abonné à La Cabreta, la revue créée par Arsène Vermenouze au XIXe siècle. Mais il s’est vu reprocher cette écriture, et on lui a fait corriger la graphie, bien qu’il n’était pas pour ».
Parle-nous de ton gîte !
C’est donc une maison de maître, située à Liadouze, au-dessus de Mandailles. Il y a six chambres, quatre salles de bain, ainsi qu’un logement indépendant. Par conséquent, je peux accueillir jusqu’à 16 personnes. Cerise sur la gâteau, le gîte bénéficie d’un grand terrain de 1500 m², entièrement plat, où les gens peuvent profiter d’une vue absolument magnifique sur les montagnes.
J’ai gardé la maison dans son aspect un peu rustique, et les gens adorent s’imprégner de cette atmosphère montagnarde. Bien sûr, il y a aussi les chemins de randonnée, qui partent directement de la maison. Quel plaisir de ne pas avoir à prendre la voiture pour partir en rando !
Si tu devais conseiller une balade à faire dans les environs ?
J’aime beaucoup le col d’Aisses, qui n’est pourtant pas très connu. Pour moi, c’est un col symbolique, car il relie la vallée de la Jordanne, où j’ai grandi et où je vis maintenant, à la vallée de la Cère où j’ai travaillé pendant 40 ans dans mon café Le Berganty à Polminhac (que mon fils Mathieu vient de reprendre). Le nom de mon café fait d’ailleurs référence au col de Berganty, situé à proximité du col d’Aisses.
Chaque année, comme un pèlerinage, je faisais le chemin à pied en partant de mon café, et je rejoignais la maison natale à Saint-Julien-de-Jordanne en franchissant la crête qui sépare les deux vallées. Lorsque je parvenais au col, le pays de la Jordanne se déployait soudain face à moi, majestueux, et c’était une émotion toujours aussi intense. La vue qu’on a là-haut, c’est fa-bu-leux !
Pour les curieux et autres amateurs de sentiers peu fréquentés, voici l’itinéraire de cette superbe traversée.
Pour quel élément du patrimoine local as-tu une affection particulière ?
J’ai un grand plaisir à passer par les grangeous, ces petits bâtiments de pierre où les paysans casaient tout au plus une dizaine de vaches. Il y en a partout ici, certains se sont transformés en gîtes, d’autres ont conservé leur vocation agricole. Jadis, ils étaient couverts de chaume. Aujourd’hui, leurs toits forment un patchwork de tôles, mais finalement, ça se fond assez bien dans le paysage !
Il faut avoir la curiosité de les observer en détail, leurs murs présentent souvent des pierres impressionnantes, et surtout des sculptures aussi diverses que mystérieuses, c’est un véritable musée à ciel ouvert. Leurs portes méritent également qu’on s’y attarde, il n’y en a pas deux pareilles !
Pour découvrir ce patrimoine, ces « jolies boîtes à sucre », on peut emprunter le petit chemin qui part de Saint-Julien-de-Jordanne et va jusqu’à Fournol.
Petite ou grande histoire locale à raconter ?
Je recommande de lire les auteurs de la vallée. Pour celles et ceux qui lisent l’occitan, il y a bien sûr le livre de mon père Antonin Salat, avec son lot d’anecdotes cocasses, dont la plupart se déroulent entre Mandailles et Saint-Julien-de-Jordanne. Sinon, je conseille chaleureusement la lecture des Souvenirs d’un petit pâtre du Cantal, de Pierre Delcher, c’est un superbe témoignage. N’oublions pas non plus le poète Pierre Moussarie !
Pour tout savoir sur les sources d’eau minérales en Auvergne, et notamment celle de Curadit située à deux pas d’ici, l’ouvrage de Frédéric Surmely fait référence : Les sources minérales oubliées du Massif Central.
Marinette Salat évoque l’importance du poète félibre Arsène Vermenouze (1850-1910) : « J’ai lu tous ses poèmes, et je peux encore en réciter quelques uns par coeur. Lorsque j’étais enfant, nous avons fait une sortie scolaire à Ytrac pour visiter sa maison, et nous y avons pris le goûter. Ici, la plupart des familles possédaient les recueils de Vermenouze, et le soir à la veillée, on lisait sa poésie ». Et sa fille Annie d’ajouter : « Il faut lire son poème intitulé L’Écir, extrait du recueil Flour de Brousso : c’est un chef d’oeuvre ».
Comment vois-tu l'avenir de la vallée ?
« Moi, j’ai connu Saint-Julien à l’époque où il y avait un curé pour le village, deux écoles, deux ou trois hôtels, quatre ou cinq cafés, deux marchands de vin sur la place, un cordonnier qui était le maire du village, il y avait des couturières, la source minérale exploitée à Curadit, mon mari et moi à la boulangerie, et donc, ça faisait une vie de village », confie Marinette. Elle poursuit : « Certes, les cafés et les hôtels ont fermé, mais les gîtes ont ouvert, et tous travaillent. Partout les maisons ont été restaurées, et bien restaurées, donc les villages ne sont pas défigurés. L’avenir, pour le moment, c’est le tourisme, ce sont les paysans qui sont restés, et ce sont les commerces, ceux qui sont toujours là, et ceux qui se sont installés récemment ».
Annie Salat évoque quelques projets menés par des jeunes gens installés dans la vallée.
On peut commencer par Paul Cheylus qui, dès l’âge de vingt ans, a repris l’élevage de ses parents et monté une scierie. Durant le confinement, il a démarré la culture de pommes de terre, et c’est aujourd’hui toute la vallée qui vient chercher ses patates, sans compter les restaurateurs.
À Liadouze, Sabrine et Baptiste Force se sont installés et proposent une large gamme de voyages et aventures sportives sur leur site Internet Esprit Trek. Enfin, citons le magnifique et ambitieux projet mené par Frédéric Mazières, ancien sportif (et casse-cou !) de haut-niveau, qui restaure actuellement le buron du Tournel, à plus de 1400 mètres d’altitude, sur les pentes du Peyre Arse.
Et le mot de la fin ?
Le mot de la fin revient à Marinette : « Si nos sociétés doivent encore endurer de nouvelles crises, alors les gens reviendront peu à peu vivre à la campagne, comme ici par exemple, dans nos monts du Cantal, car comme dit Arsène Vermenouze : les montagnes sont des refuges ».
Pour contacter Annie au Grand gîte de Liadouze
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