Crêperie Ptite dorée Saint-Julien-de-Jordanne

Laurence, crêperie La P'tite Dorée

Lorsque le GR 400 s’approche du village de Saint-Julien-de-Jordanne, juste avant le pont, un beau chalet en bordure de rivière attire irrésistiblement le randonneur, avec sa grande terrasse ensoleillée. Nous sommes ici chez Laurence Valette, qui régale depuis plus de quinze ans les habitants de la vallée comme les touristes de passage avec ses fameux bourriols (crêpes levées typiques de la région). 

Laurence, experte en bourriols

Peux-tu nous raconter ton histoire personnelle avec cette vallée ?

Mes arrière-grands-parents étaient des auvergnats de Paris, qui ont fait affaire à la capitale et qui, à la retraite, comme beaucoup d’autres, sont « remontés » dans le Cantal. Comme il y avait à Neuilly-sur-Seine un pavillon bourgeois qu’ils admiraient beaucoup, ils ont entrepris des travaux colossaux pour construire une maison identique à Saint-Cirgues-de-Jordanne, face au pont de Gétine ! Mes parents étant restés à Paris, nous y passions toutes nos vacances, c’est ainsi que j’ai vécu une partie de mon enfance dans la vallée. 

À mon tour, dans les années 2000, j’ai quitté Paris pour m’installer à Saint-Julien-de-Jordanne. Au tout début, j’ai habité à deux pas d’ici, dans le petit hameau du Felgeadou, qui a connu son heure de gloire en 1997 en accueillant le tournage du film XXL avec Gérard Depardieu ! Puis j’ai souhaité me rapprocher de la route et du GR 400 pour accueillir plus facilement les gens de passage, et depuis lors je suis installée dans ce chalet.

Dans ma généalogie, le plus lointain ancêtre auquel j’ai pu remonter habitait le hameau de Fournol au XVIIe siècle. Et c’est un paysan de Fournol qui m’a vendu ce terrain. Ici, les agriculteurs ne cèdent pas facilement leurs terres, mais quand j’ai expliqué mon projet de restaurant, cet homme qui est peut-être un très lointain cousin n’a pas hésité, et du jour au lendemain l’affaire était conclue. C’est pourquoi aujourd’hui encore, on voit les vaches passer derrière la maison pour rejoindre le pré, c’est qu’on est ici sur des terres agricoles.

Parle-nous de tes bourriols !

C’est la crêpe emblématique du Cantal, moitié farine de froment, moitié farine de sarrasin. Comme toute recette traditionnelle, sa réussite tient à certains tours de main qui se transmettent au sein des familles. Quand j’étais enfant, j’ai vu faire les bourriols, mais leurs secrets de fabrication m’ont échappé. Alors j’ai beaucoup cherché, en épluchant les vieux livres de cuisine auvergnate, jusqu’à parvenir à la recette parfaite pour réussir les bourriols à la plaque dans mon restaurant. Il me restait une dernière question à résoudre avec la pomme de terre qu’on ajoute à la pâte : l’astuce m’est venue un matin, à la table d’un café, grâce à la vieille dame assise à la table d’à côté ! 

Dessin chalet La Ptite Dorée
Dessin du chalet par un client de La P'tite dorée

Quand le restaurant a démarré, les gens de la vallée sont venus goûter mes bourriols, et tout s’est très bien passé ! Je suis heureuse, car je n’ai que des retours positifs. Les gens publient de beaux avis sur la maison, et ils reviennent. Mais 2023 sera ma dernière saison, car j’ai l’âge de la retraite, et avec les chambres d’hôte, comme je m’occupe seule de tout, ça fait beaucoup de travail pour une retraitée ! Les randonneurs ne pourront donc plus faire étape chez moi, mais ils pourront toujours venir me dire bonjour.

Pour quel élément du patrimoine local as-tu une affection particulière ?

Ici, dans chaque village, on trouve de belles croix et de beaux fournils à pain. Et puis bien sûr, il y a les burons, les granges, les grangeous, il y en a partout ! Chacun les aime plus ou moins, selon ses goûts, mes favoris sont ceux qui bénéficient d’une vue exceptionnelle.

Par mon histoire familiale, j’ai aussi un attachement particulier pour l’église de Saint-Cirgues-de-Jordanne. C’est une très belle église romane, avec un clocher en peigne typique de la vallée : je conseille vivement de la visiter, aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur.

Mais j’aime bien aussi le clocher de mon village ! C’est l’épicier de Saint-Julien qui s’occupe de l’éclairer le soir. J’adore regarder mon petit clocher par la fenêtre, à la nuit tombée. Le plus magique, c’est quand la lune brille juste au-dessus.

Enfin, pas loin de chez moi, j’aime aussi beaucoup ce chemin qui part de Liadouze en direction du puy Griou, avec le petit moulin au bord de la Jordanne (le moulin de Rudez apparaît dans cette étape).

Si tu devais conseiller une seule balade à faire dans les environs ?

Moi j’aime toutes les promenades ici, mais celle que je conseille le plus, c’est la balade aux sources de la Jordanne. Vous y allez printemps, été, automne, hiver, c’est toujours un spectacle ! Vous traversez forêt et pâturages, et en peu de temps, vous dominez toute la vallée de la Jordanne, empli d’un sentiment de gratitude. On croise souvent quelqu’un de la vallée, du village, beaucoup de gens d’ici font la promenade des sources.

Il y a aussi le sommet du Cassaïre, qui est juste au-dessus de la maison, quelque 700 mètres plus haut. C’est une randonnée beaucoup plus sportive, mais là-haut, vous avez des vues absolument phénoménales. En partant d’ici sur le GR 400, on bifurque rapidement car on ne va pas jusqu’à Cabrespine, on coupe pour monter dans la forêt au-dessus de Lavaissière. Ca grimpe très très dur pour arriver au Cassaïre, et après avoir longé la crête, on redescend en passant sous les Roches Folles, qui sont aussi un très beau lieu. Ca fait une boucle de 5 heures de marche, et ça fait une balade fabuleuse.

Il y a plein d’endroits ici où l’on peut bénéficier d’une vue magnifique à 360°, comme par exemple au puy d’En Joubert ou au puy de Louradou, c’est pourquoi je dis que c’est beau partout.

Mais pour conclure, un lieu que j’affectionne beaucoup, c’est tout simplement la rivière : la Jordanne bien sûr !

Petite ou grande histoire locale à raconter ?

Oui ! Ce printemps 2022, sept personnes de Mandailles-Saint-Julien ont été reconnues « Justes parmi les Nations » par l’état d’Israël.

Seule Éliane Bonal, âgée de 100 ans, était encore vivante pour recevoir la médaille des Justes des mains de la délégation officielle. Durant l’occupation, ces sept personnes ont accueilli et caché un médecin juif qui s’était enfui de Paris. Les Allemands l’ont poursuivi jusqu’à Mandailles, car il soignait les maquisards. Madame Bonal a raconté comment elle s’était adressée au Dr Kuczynski : « Vite vite vite, filez dans le cantou et grimpez à la crémaillère pour vous cacher ! ». Par miracle, les Allemands ne l’ont pas trouvé, et c’est ainsi qu’il a échappé à la mort !

Pour plus de détails, lire l’article très complet publié pour l’occasion dans le journal Times of Israël.

Le scénario du film XXL, sorti vingt-cinq ans plus tôt, s’appuie d’ailleurs sur l’histoire – a priori fictionnelle – de deux enfants juifs recueillis par une famille de Saint-Julien-de-Jordanne au temps de l’occupation nazie.

Comment vois-tu l'avenir de la vallée ?

Moi, ce que je constate, c’est qu’une nouvelle dynamique s’est installée dans la vallée. Il y a 7 ou 8 ans, c’était vraiment en train de dépérir, il n’y avait plus de naissances. Mais aujourd’hui ici, tout se rénove, tout se reconstruit, ça revit beaucoup. 

Par exemple, il y a maintenant un marché à Velzic qui attire beaucoup de monde. On voit de jeunes artisans s’installer, par exemple Stéphanie, qui est mosaïste au Puech Verny, ou bien Clio et Yohan, qui ont créé la marque Les Petits Savonneurs à Mazieux. Ici récemment, à Mandailles-Saint-Julien, j’ai vu six ou sept maisons se construire, habitées par de jeunes couples, donc ça bouge, ça bouge vraiment.

Les Petits Savonneurs
Les Petits Savonneurs à Mazieux (Lascelle)
Auberge des Milans
Auberge des Milans au Puech Verny (Saint-Cirgues-de-Jordanne)

La crise du Covid a amplifié cette dynamique, je rencontre beaucoup de gens qui passent dans la vallée et qui veulent habiter ici. Depuis plus d’un an, je vois défiler de jeunes couples, ou bien des gens qui approchent de la cinquantaine et n’envisagent pas de finir leur carrière dans une grande ville. En bref, je suis très optimiste !

Et le mot de la fin ?

Ici parfois, dans certaines communes, on peut avoir l’impression d’être un peu isolés, mais en fait on bénéficie toujours d’une vie de village. Dans la vallée, on rencontre toujours quelqu’un pour discuter, et c’est d’ailleurs ce que les visiteurs apprécient. Alors venez chez nous, on vous attend ! 

Pour contacter Laurence, crêperie La P'tite Dorée

Mai - Octobre

11h - 21h

04.63.41.91.73

Route D246

15590 Mandailles-Saint-Julien